Qu'est-ce que c'est que cette STARMANIA ?

6-8 octobre 2021
Université d'Angers - Amphi A / UCO Angers - Amphi Bazin / CRR Angers - Auditorium Chapelle
Equipe(s): 

Qu'est-ce que c'est que cette STARMANIA ?

L’engouement pour les études sur la chanson francophone est remarquable depuis une vingtaine d’années. De nombreuses thèses se développent par ailleurs sur des sujets liés à la pop culture, la recherche universitaire s’intéressant de plus en plus aux cultural studies. Si les études de comédies musicales américaines ont été abordées dans le domaine du spectacle vivant (pensons aux ouvrages d’Alain Perroux, Patrick Niedo, Laurent Valière...), et si l’esthétique du film musical est un domaine qui a déjà intéressé la recherche (pensons aux travaux de Michel Chion et de Patrick Brion), trop peu d’analyses ont pour l’instant été accordées au domaine de la « comédie musicale à la française » (dont on emprunte l’appellation à Jellery), pourtant objet de fascination et de reconnaissance dans la culture jeune.

La production française, si industrieuse soit-elle depuis Notre-Dame de Paris (L. Plamondon / R. Cocciante - 1998), est continue depuis les années 70, initiée par La Révolution française (Cl.-M. Schönberg / A. Boublil - 1973), et elle recèle des œuvres majeures qui campent l’esthétique du spectacle à la française. Starmania est de celles-ci. À cet égard, une nouvelle création de l’opéra-rock a été annoncée pour l’automne 2021 à la Seine Musicale de Boulogne dans une mise en scène de Thomas Jolly et une chorégraphie de Sidi Larbi Cherkaoui. Œuvre mythique, aux chansons devenues des tubes, cet opéra-rock est en cours de récréation par deux figures de la jeune génération artistique qui tente d’accorder exigence et popularité.

Ce colloque international, le premier dans le domaine, est l’occasion de célébrer la quatrième version de l’opéra-rock de Michel Berger et Luc Plamondon, tout en interrogeant pour la première fois la spécificité de ce type de spectacle qui a ouvert la voie à toutes les créations contemporaines françaises qu’englobe la formule « comédie musicale ». Il se veut également un point de rencontre pluridisciplinaire (entre chanson, théâtre, danse et culture médiatique), permettant le dialogue entre les arts, la sociologie et la politique, tout en offrant au public le plus large possible une connaissance intime et générale de l’œuvre.

Contextualisation : Starmania de 1978 à 2021

Le début des années 70 est une période de renouveau dans l’industrie du disque et du spectacle : les albums concepts et les opéra-rocks se développent aux États-Unis avant d’arriver en France dès 1971 (Double V, de J.-J. Debout) ; l’opérette à grand spectacle devient désuète et l’on commence à expérimenter des spectacles influencés par le rock et les grands formats révolutionnaires arrivant d’outre-Atlantique et d’outre-Manche (Hair, 1967 ; Jesus Christ Super Star, 1971…) ; la télévision est un spectacle en soi où des shows visuels accompagnent des tours de chants d’artistes qui incarnent des personnages (la télévision des Carpentier en a largement fait la promotion). C’est donc tout une industrie du spectacle qui se renouvelle donnant sa place à la variété.

Quand sort en France l’album Dancing Disco, écrit par Michel Berger en 1977 pour France Gall, le titre « Ça balance pas mal à Paris » semble prémonitoire et tout à fait assorti à cette époque de renouvellement de l’esthétique de la chanson. Grand admirateur de Gershwin et du rock américain mais également élevé dans une culture musicale embourgeoisée, Michel Berger s’est engagé dans le milieu des années 70 dans des projets influencés par l’esthétique du musical : Émilie ou la petite sirène (1976), tout d’abord, fable télévisuelle sur le monde du show business et des médias ; puis Angélina Dumas, qui devait relater l’enlèvement de Patricia Hearst par un groupuscule d’extrême gauche en 1974 et l’aventure amoureuse de la protagoniste avec son ravisseur, illustrant la théorie du syndrome de Stockholm. Berger abandonne ce projet, peu satisfait de la qualité de sa plume, en manque de virulence. Il décide d’appeler le parolier Luc Plamondon, dont il a découvert les textes sans équivoque dans les albums de Diane Dufresne, pour lui proposer son idée d’un spectacle où s’exprimerait son regard sur le monde contemporain et sa violence. Starmania voit le jour en 1978 sous la forme d’un album-concept (Starmania, ou la passion de Johnny Rockfort selon les évangiles télévisés), qui s’étoffe et devient un spectacle joué 25 soirs au Palais des Congrès de Paris en avril 1979. Exemple même du genre de l’opéra-rock français, et bien que peu joué à sa création, Starmania devient le symbole d’une réussite populaire, comme en attestent les multiples reprises entre 1980 et 2002.

L’œuvre a été considérée comme visionnaire, et relève d’une esthétique futuriste que servent les mises en scène de Tom O’Horgan ou de Lewis Furey. À la charnière de l’an 2000, l’œuvre pose des problématiques d’actualité, qui aujourd’hui ne la rendent pas désuète mais suscitent une réflexion post-apocalyptique. Son identification générique a d’ailleurs évolué, passant de l’opéra-rock au cyberpunk opéra. Le livret de l’œuvre, quant à lui, a connu de profondes transformations, jouant parfois sur une loi d’économie dramatique au profit de la force des chansons qui entretiennent le rythme de la dramaturgie. La mise en scène annoncée de Thomas Jolly veut réhabiliter des personnages de la première version, tout en retravaillant le livret pour en accentuer la théâtralité.

Le projet scientifique : de la poétique de la chanson à l’esthétique et à la réception de l’opéra-rock

Les études cantologiques ont permis d’explorer la chanson comme un tout organique, sans dissocier le travail textuel des enjeux mélodiques, dans une perspective interprétative. Par conséquent, ce colloque aura pour objectif d’interroger les chansons de Starmania, devenues des tubes, comme phénomènes de création, d’interprétation et de circulation culturelle. Partant, nous envisageons un colloque fondé sur la collaboration interdisciplinaire. À travers la chanson, nous souhaitons envisager des réflexions croisées sur le texte, la musique, la scène, pour notamment tenter une définition du genre de l’opéra-rock. En quoi Starmania est-elle une œuvre fondatrice pour le spectacle musical populaire francophone ? Nous chercherons à interroger l’œuvre dans son processus de création (écriture textuelle et musicale, mise en scène, arrangements), de production, de commercialisation, de réception.

Depuis l’album-concept sorti en 1978 jusqu’aux productions scéniques, les chansons doivent également être envisagées dans l’économie d’un livret qui depuis 1979 n’a cessé d’évoluer. La succession des titres de l’album à la scène, leur changement de place d’une version à l’autre, ainsi que la réécriture de certains intermèdes ou la disparition de protagonistes, témoignent d’une œuvre en perpétuel mouvement. La dramaturgie faite de flashbacks et d’ellipses est également à examiner à la lumière de la culture médiatique et de la stratégie du zapping télévisuel, bien au-delà d’une simple succession de numéros chantés. Outre la problématique dramaturgique, on étudiera volontiers l’argument dramatique dans ses formes et enjeux complexes : ontologie des personnages, drame politique et amoureux, et aussi réflexion méta-artistique sur les rapports conflictuels entre le rock et le disco. La part dramatique porte en elle des sources historiques, mais également une visée sociale et politique. C’est par exemple tout le rapport de l’individu aux diktats sociaux dans un monde totalitaire aseptisé et dogmatique qui sera interrogé. Tout l’enjeu du discours des personnages est de « pouvoir dire pourquoi [ils] existe[nt] » et le mode discursif chanté doit alors être appréhendé dans sa forme lyrique comme dans son usage expressif et ses fonctions émotionnelles. Défini par Berger comme étant « très vocal », Starmania pose le problème de la voix, de son identité et de sa performance.

La notion de tube se fondant notamment sur l’importance de la mélodie, il conviendra d’analyser les chansons de Starmania dans leur dimension musicologique et économique : quel type de rock écrit Michel Berger ? En quoi la plume de Luc Plamondon est-elle novatrice pour les années 1970 ? Dans ce conflit entre le rock et le disco, n’ouvre-t-on pas avec ce spectacle une voie à une pop culture originale ? En outre, quels sont les enjeux commerciaux et sociologiques liés à la discographie et à la production d’un spectacle d’une telle ampleur ? Si chacune des versions a été l’occasion de populariser des interprètes devenus des stars, en quoi le choix du chanteur possède-t-il un impact dans ce spectacle qui d’ailleurs pose le problème de la star et de sa pérennité (voir « Les Adieux d’un Sex Symbol » et « Le rêve de Stella Spotlight ») ? En tant que « forme superlative, ou mieux, hyperlative de la nouvelle modernité », la stratégie médiatique de Starmania n’est-elle pas une idéologie dramatique ?

Œuvre de pop culture, Starmania s’inscrit pleinement dans les cultural studies et dans une réflexion sur la jeunesse et la contre-culture. Pourtant, il s’agit bien d’une œuvre classique de la chanson française (l’apparition de certains textes aux épreuves du BTS et du brevet des collèges semble l’attester). On ne saurait par conséquent se priver d’engager une réflexion sur la réception, notamment à travers les stratégies de séduction du public, et d’envisager le processus de « projection identification » dont parle Edgar Morin, qui rallie l’œuvre à une culture médiatique jeune.  Comment Starmania peut-il plaire encore aux générations actuelles ? Comment une œuvre peut-elle être classique tout en reposant sur le constat d’une actualité en déperdition, et en se positionnant comme une œuvre d’anticipation ?

Comité d'organisation
Chercheurs Hors-UCO

Bernard JEANNOT-GUERIN (Université d'Angers / UCO) | Carole AUROY (Université d'Angers)

Comité scientifique
Chercheurs UCO
Chercheurs Hors-UCO

Carole AUROY (Université d'Angers) | Bruno BLANCKEMAN (Université Paris 3 - Sorbonne Nouvelle) | Pauline BRULEY (Université d’Angers) | Stéphane CHAUDIER (Université de Lille 3) | Stéphane HIRSCHI (Université Polytechnique Hauts-de-France) | Joël JULY (Aix-Marseille Université) | Bernard JEANNOT (Université d'Angers / UCO) | Dominique SAGOT-DUVAUROUX (Université d’Angers)

 

Programme du colloque

 

Mercredi 6 octobre 2021

Université d'Angers - Amphi A (UFR des Lettres, langues et sciences humaines)
13h15-13h45

Accueil café

13h45-14h00

Ouverture musicale et chantée par le choeur des étudiants de l'ASTA (Académie Supérieure de Théâtre d’Anjou) de l’Université d’Angers

Ouverture par Élisabeth MATHIEU (directrice du CIRPaLL) et Cyril FLEURANT (directeur de l’UFR)

14h00-14h20

Introduction historique par Fabienne THIBEAULT (interprète du rôle de Marie-Jeanne, la serveuse automate en 1978-1979) : « Mon Starmania »

14h20-15h30

Séance 1 : Le genre en question

Présidence : Stéphane HIRSCHI

Conférence de Bertrand DICALE (journaliste Radio France, spécialiste de la chanson française) :  « Starmania : la fin d'un monde »

Conférence de Bruno BLANCKEMAN (Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3) :  « Star, stone, sexe, à la fois »

15h30-16h00

Temps d'échanges et pause

16h00-17h00

Animation : Bernard JEANNOT-GUERIN

Rencontre avec Serge PERATHONER (clavériste, acoompagnateur de Michel Berger et France Gall, directeur musical et arrangeur des versions 1988 et 1993 de StarmaniaLa Légende de Jimmy et Notre Dame de Paris) : « Souvenirs de travail avec Michel Berger »

17h00-18h30

Séance 2 : Des problèmes de « voix » ?

Présidence : Anne-Rachel HERMETET

Conférence de Stéphane CHAUDIER (Université de Lille) et Joël JULY​​ (Aix-Marseille Université) :  « La métachanson au temps de Starmania : effets, enjeux »

Conférence de Catherine RUDENT​ (Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3) :  « La vocalité dans Starmania, styles et influences »

Conférence de Céline PRUVOST​​ (Université Picardie Jules Verne) :  « "Venez vous partager mon corps" : une analyse des Adieux d’un sex symbol »

18h30-19h00

Temps d'échanges

20h00

Dîner au restaurant Belle Rive

 

Jeudi 7 octobre 2021

UCO Angers - Amphi Bazin
9h00

Accueil café

Ouverture musicale par les étudiants en musicologie de l’UCO

Ouverture par Dominique VERMERSCH (recteur), Sophie ROCH-VEIRAS (doyenne de la faculté des Humanités) et Anne PROUTEAU (déléguée générale à la vie culturelle)

9h30-10h30

Séance 1 : Propos dramaturgique général

Présidence : Stéphane CHAUDIER

Conférence de Pieryk VANEUVILLE​​ (directeur de l'ASTA, metteur en scène et comédien) :  « Le chœur dans Starmania : place prépondérante et disparition »

Conférence de Anne-Rachel HERMETET​​​ (Université d'Angers) :  « Le grand gourou marabout : utopie seventies ou discours pour notre temps ? »

10h30-11h00

Temps d'échange et pause

11h00-12h00

Séance 2 : Enjeux dramatiques

Présidence : Bruno BLANCKEMAN

Conférence de Carole AUROY​​​ (Université d'Angers) :  « De l’Underground au toit de Babel : les errances du désir métaphysique dans Starmania »

Conférence de Bernard JEANNOT​​​-GUERIN (Université d'Angers / UCO) :  « Chanter "pour pouvoir dire pourquoi j’existe" ou comment voir le monde à l’envers »

12h00-14h00

Temps d'échanges et pause déjeuner (salle Plantagenêt UCO)

14h00-15h30

Séance 3 : Les stars de la chanson

Présidence : Cécile PREVOST-THOMAS

Conférence de Audrey COUDEVYLLE-VUE​​​ (Université Polytechnique Hauts-de-France) :  « Marie-Jeanne, Stella Spotlight, Cristal, Sadia : Héritières modernes de la chanson réaliste ? »

Conférence de Stéphane HIRSCHI​​​ (Université Polytechnique Hauts-de-France) :  « J’aurais voulu être un "startiste", le paradoxe des stars dans Starmania »

Conférence de François ALQUIER​​​ (journaliste musical et auteur de l'ouvrage L'Aventure Starmania, Hors Collection, 2017) :  « Le journaliste et les stars de Starmania »

15h30-16h30

Temps d'échanges et pause

16h30-18h30

Animation : François ALQUIER / Bernard JEANNOT-GUERIN

Table ronde et showcase avec la participation d’artistes des différentes versions de Starmania Richard GROULX, Dominique WENTA, Roddy JULIENNE et Fabienne THIBEAULT

18h30-19h30

Séance de dédicaces - Librairie Lhériau (hall Bazin)

19h30

Buffet dînatoire (salles A et B - hall Bazin)

Spectacle des étudiants de l’ASTA : « Balade sur la 42e » - Revue musicale autour des grands airs de Broadway et du West End (amphi Bazin)

 

Vendredi 8 octobre 2021

Conservatoire a rayonnement régional d'Angers - Auditorium chapelle
9h00-9h15

Accueil café

Introduction par Nicolas DUFETEL (adjoint à la culture de la ville d’Angers)

9h15-10h45

Séance 1 : Médias et société : un discours sur notre temps ?

Présidence : Catherine RUDENT

Conférence de Julien BALDACCHINO​​​ (journaliste de France Inter) :  « Le discours journalistique de Roger-Roger »

Conférence de Julia KUZMINA​​ (Université Polytechnique Hauts-de-France) :  « Starmania comme cycle de chansons : stratégies de la mise en album studio et live »

Conférence de Cécile PREVOST-THOMAS​​​ (Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3) :  « Résonance de Starmania en 2021 : un attachement protéiforme et un engouement intergénérationnel »

10h45-11h30

Temps d'échanges et pause

11h30-12h00

Conférence de Laurent VALIERE (journaliste et producteur à France Musique, animateur de l'émission "42e Rue") : « Starmania et Broadway »

12h00-13h45

Temps d'échanges et pause déjeuner

13h45-14h00

Temps musical de Corrine PASQUIER (soprano soliste, Atelier lyrique angevin) : « Les Adieux d'un Sex Symbol » - version lyrique

14h00-15h00

Séance 2 : Universalité de l’œuvre

Présidence : Joël JULY

Conférence de Julie-Sylvie MONRAPHA (Université des Antilles) :  « Starmania, une œuvre qui questionne »

Conférence de Sarra KHALLED​​​ (Université de Tunis Carthage) :  « Starmania comme œuvre patrimoniale »

15h00-15h15

Temps d'échanges

15h15-16h15

Table ronde sur l’économie du spectacle vivant français en présence de Bernard de BOSSON (producteur de la première version de Starmania, ancien PDG de Polydor et Warner France, président des Victoires de la Musique et directeur du SNEP) et Dominique SAGOT-DUVAUROUX (spécialiste de l'économie culturelle)

16h15

Clôture du colloque par Thomas JOLLY (directeur du Quai - CDN Angers Pays de la Loire, metteur en scène de Starmania à la Seine Musicale à Boulogne-Billancourt en 2022)

 

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