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Colloque international

ἡ καταβολή κόσμου : A propos de la « chute » ou de la « fondation » du monde

Affiche du colloque

ἡ καταβολή κόσμου : A propos de la « chute » ou de la « fondation » du monde

Argumentaire
Genèse du projet

Ce projet prend sa source dans une aporie scripturaire soulevée pour le première fois par Origène (c. 185-253). Dans son commentaire sur l'Évangile de Jean, on trouve en effet l'interprétation suivante :

Origène, Commentaire sur Saint Jean XIX.22 [148-150], C. Blanc éd. (SC 290).

« (148) [In Joh. XIX.22.34] Vois si celui qui dit "Moi, je ne suis pas de [35] de ce monde-ci" (Jn 8.23), ce peut être l'âme de Jésus, qui a droit de cité dans tout ce monde-là, le parcourt tout entier et y mène ses disciples. (149) Ce monde-là n'a rien qui soit en bas, de même que celui-ci, pour qui l'examine avec soin, rien qui soit en haut. Comment, en effet, peut-il avoir quelque chose [40] en haut, ce monde dont la création est une chute [οὗ ἡ κτίσις καταβολή ἐστιν] ?  En effet, il ne faut pas entendre n’importe comment les mots "avant la καταβολή du monde" [πρὸ καταβολῆς κόσμου] Jn 17.24), car c’est à dessein que, pour une conception de ce genre, les saints ont forgé le terme de καταβολή ; et certes ils auraient pu dire "avant la création du monde" [πρὸ κτίσεως κόσμου] et ne pas utiliser le terme de καταβολή » (150) [45] Donc le monde entier et ce qui est en lui est en καταβολή ; de la καταβολή du monde entier sortent les vrais disciples de Jésus, qu'il a choisis du milieu du monde (Cf. Jn 15.19), afin que, prenant leur croix et le suivant, ils cessent d'être du monde ».

Le choix que communément les auteurs bibliques firent de καταβολή au détriment de κτίσις pour parler de la création du monde divisa durablement deux courants exégétiques et conséquemment deux conceptions radicalement opposées du monde dans l'Antiquité tardive.

Il n'en reste pas moins que la question du choix des auteurs bibliques est restée non résolue.

La question 

L'expression ἡ καταβολή κόσμου présente une caractéristique rare, peut-être unique, pour l'étude du Nouveau Testament. Elle est à la fois nouvelle et diffusée dans presque tous les corpus. 

L'expression est nouvelle dans le sens où elle n'apparaît, selon l'état actuel des sources, ni dans le texte biblique de la Septante, ni dans la littérature grecque antérieure au Nouveau Testament. Le mot καταβολή seul apparaît bien occasionnellement mais dans des sens très différents du registre de la création. Il peut désigner l'acte de la procréation par lequel la semence masculine est expulsée (cf. Hb 11,11)*, l'acte de semer ou le fait de poser une fondation (cf. 2 Ma 2,9**, seule utilisation du terme dans la Septante). L'expression ἡ καταβολή κόσμου semble être une innovation du Nouveau Testament. 

L'expression καταβολή κόσμου apparaît 10 fois dans le Nouveau Testament. Ce qui est remarquable, c'est que ces 10 occurrences sont disséminées pratiquement dans tous les corpus. Deux occurrences se trouvent dans des passages propres à Mt (13,25 et 25,24). Un passage doit provenir de la source Q (Lc 11,50 ; cf. Mt 23,35 mais Mt transforme le verset et n'utilise pas l'expression). Trois occurrences se trouvent dans le corpus johannique (Jn 17,24 ; Ap 13,8 ; 17,8). Deux occurrences se trouvent en Hb (4,3 ; 9,26), une en 1 P (1,20) et celle qui est sans doute la plus connue en Eph 1,4, lettre qui n'est probablement pas de Paul lui-même. Ce sont donc au moins six corpus différents, et peut-être même sept si l'on distingue Jn et Ap, dans lesquels cette idée de la « fondation du monde » est évoquée, sans être pour autant systématiquement développée. 

Il semble donc que le concept soit universellement reconnu dans le NT, au point qu'il n'ait pas besoin d'être développé, alors qu'il ne trouve pas de racines identifiables dans l'AT. 

Plusieurs questions peuvent donc se poser : 

  • D'où vient cette expression ?
  • A-t-elle été utilisée par Jésus lui-même ?
  • Quel est le sens de cette καταβολή ?
  • Le mouvement vers le bas qui sera repris dans l'interprétation origénienne a-t-il un fondement néotestamentaire ou le mot doit-t-il seulement être compris comme synonyme de « création » ?
  • Découle-t-il de la compréhension de ce terme associé à la préposition πρό l'idée d'une préexistence à ce monde-ci et si oui de quel monde peut-il alors s'agir ?

 

Les dix occurrences de la καταβολή κόσμου sont toutes précédées d'une préposition temporelle. Sept d'entre elles sont introduites par ἀπό (Mt 13,35 ; 25,34 ; Lc 11,50 ; Hb 4,3 ; 9,26, Ap 13,8 ; 17,8) ; les trois autres par πρό (Jn 17,24 ; Eph 1,4 ; 1 P 1,20). La « fondation du monde » semble donc être un repère temporel par rapport auquel il est possible de se situer. Elle est un point de départ (ἀπό) mais pas nécessairement un absolu dans la mesure où il est possible d'envisager un πρό. Le vocabulaire de la « fondation » du monde coexiste avec celui de la « création » ou celui de l'action (verbe ποιέω). Cette diversité entre les vocabulaires manifeste-t-il des cosmogonies différentes ou des angles d’approches complémentaires ? Quelles sont les implications de la théologie de la création associée à la « fondation du monde » pour le Nouveau Testament ? Comment ces expressions soutiennent-elles la théologie de chacun des corpus ?

Du point de vue patristique, le problème exégétique posé par Origène va donner naissance à deux courants exégétiques fort différents qui se diviseront durablement sur le statut qu'il faut conférer à ce monde-ci.

Plan

Le programme d'étude comporte trois parties principales et complémentaires qui constitueront la trame de l'ouvrage visé.

En bref :

  • L'étude biblique : histoire et signification de l'expression dans le corpus néotestamentaire.
  • La littérature péri-testamentaire : l'apport de cette littérature pour comprendre l'histoire et la signification de l'expression.
  • L'étude patristique : comment l'expression a été comprise, les questions qu'elle a posées dans le développement de la théologie chrétienne.

 

Nous cherchons, pour chaque corpus, un spécialiste capable d'affronter la question du sens et des enjeux de l'expression à l'intérieur de son corpus.

 

* « Sara, elle aussi, reçut la vertu de concevoir. »

** « De même qu'il incombe à l'architecte d'une maison neuve de s'occuper de l'ensemble de la construction, alors que celui qui se charge de la décorer de peintures à l'encaustique doit rechercher ce qui est nécessaire à l'ornementation, ainsi en est-il, me semble-t-il, pour nous. » (2 Ma. 2,29 TOB)

Infos pratiques
1-2 Juillet
UCO Angers - amphi St Anselme
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  • Alain de Boudemange (Facultés Loyola Paris)
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