Qu'est-ce aujourd'hui qu'une université catholique ?

TitreQu'est-ce aujourd'hui qu'une université catholique ?
Type de publicationAutre production
Année de publication2013
Languefrançais
Titre secondaire11 décembre
Auteur(s)Vermersch, D.
EditeurLa Croix
VilleParis, France
Texte complet

 Qu’est-ce aujourd’hui qu’une université catholique ?

 

Apposer l’adjectif « catholique » à la tâche universitaire ne semble plus aller de soi, tant cette appellation se prête à une diversité d’acceptions voire de récupérations. D’aucuns diront par exemple que dans le marketing de l’offre de formation supérieure, l’adjectif « catho » fait partie du packaging, un peu à la manière des produits bio ou issus du commerce équitable : mettre de « l’éthique sur l’étiquette » ferait vendre. Ceci posé, la publicité n’est pas pour autant mensongère puisque l’offre de formation des cathos – pour reprendre le terme français d’appellation des universités catholiques – rejoint les attentes des étudiants et de leurs parents : depuis l’accompagnement personnalisé des jeunes, jusqu’à l’employabilité des formations qui doivent de ce fait être adossées à une capacité de recherche innovante.

Confiscation des intelligences

Cette utilité sociale affichée par les cathos est d’autant plus pertinente que la mondialisation de l’économie nous condamne d’une certaine manière à l’innovation – ou du moins à ce que nous entendons communément par innovation - ; une course à l’innovation qui nourrit en retour la précarité et la fébrilité désormais chroniques du marché de l’emploi.

Sans pour autant dénigrer une telle utilité sociale, l’Université catholique ne peut pourtant s’y laisser réduire, au risque d’une tragique méprise. Au contraire en effet, ce qui est dit catholique est convié à « embrasser large », très large, à embrasser l’universel. D’où d’ailleurs une certaine redondance à apposer cet adjectif à l’université puisque la vocation de celle-ci consiste précisément à « transmettre par l’enseignement l’universalité du savoir ».

En proposant une telle définition, le Bienheureux John Henry Newman s’insurgeait justement contre tout utilitarisme économique, social et même religieux qui serait tenté de régir pour leur compte la tâche universitaire.

En d’autres termes, s’il nous faut revendiquer un caractère propre de l’Université catholique, c’est précisément dans cette faculté de prémunir l’Université de toute emprise utilitaire totalisante. Car en s’y soumettant, la tâche universitaire non seulement se mutile mais surtout confisque les jeunes intelligences pour les sacrifier toutes entières aux seuls faisable, monnayable et rentable ; c’est-à-dire encore à un bien, peut-être utile, mais profondément falsifié. C’est en ce sens que nous évoquions à l’instant une tragique méprise.

Chercher le vrai pour accomplir le bien

Sans déroger, loin s’en faut, à la nécessaire acquisition de compétences employables, comment donc faire en sorte que l’Université soit et demeure véritablement Université ? C’est en fait tout simple puisqu’il s’agit de conserver le présupposé – rappelé par l’étymologie - que tous les savoirs façonnés et dispensés par et dans l’Université sont liés entre eux, qu’ils se renvoient organiquement l’un à l’autre et, en définitive, à un savoir universel.

Poser et éprouver ce présupposé est en quelque sorte l’acte de foi préliminaire qui donne vie, mouvement et être à l’Université, qui met l’Université au service d’une vérité qui la précède et qui lui donne vie. Il ne peut s’agir en outre que d’un acte de foi raisonnable, puisque c’est la raison elle-même - comme puissance du vrai - qui va émettre et créer du lien entre les savoirs, entre la biologie et la physique, entre l’économie et la morale, entre l’histoire et la philosophie, entre la psychologie et la théologie, entre la médecine et les technologies les plus spécialisées… La raison humaine contribue ainsi à dévoiler l’unité intrinsèque qui relie les savoirs et donc la communauté des êtres auxquels ces savoirs se rapportent.

En outre, la vérité recherchée n’est pas seulement théorique mais aussi pratique : l’universalité du savoir fonde l’articulation entre le vrai et le bien qui est le cœur de métier de l’Université : chercher le vrai pour accomplir le bien, qui ne se réduit pas, loin s’en faut, au bien utile.

La tâche universitaire, une tâche missionnaire

C’est encore en ce sens que l’Université catholique est appelée à témoigner d’un service désintéressé de la vérité, service qui constitue ad intra le liant de la communauté universitaire, son ethos au sein duquel sont accueillis et formés les étudiants. Ad extra, le service désintéressé de la vérité se veut contribuer au service public, tel que le comprend du moins l’Université catholique : former des esprits libres et universels capables d’un agir éthique à même de faire face aux grands défis sociétaux et de prendre une place active dans la société.

Ces défis ne doivent pas nous faire peur car «Le Logos divin, la raison éternelle, est à l'origine de l'univers et en Christ, il s'est uni une fois pour toutes à l'humanité, au monde et à l'histoire»[1]. Le Christ est le chemin, la vérité et la vie de l’Université, comme nous pouvons le lire dès l’article 2 des Statuts canoniques de l’Université Catholique de l’Ouest : « Dédiée au Sacré-Cœur, l’Université en attend la fécondité de son action ». En d’autres termes, c’est cette confession de foi qui déploie la fécondité de la raison pour que celle-ci devienne à son tour servante de la première. Cela suppose courage et audace de la part de l’Université catholique, loin de tout conformisme ambiant. Une Université conviée quotidiennement non seulement à demeurer dans la Parole de Dieu, mais à être demeure de cette Parole. Née, et naissant sans cesse du cœur de l’Eglise - Ex corde Ecclesiae -, l’université catholique est ainsi portée par ce même mouvement d’existence de l’Eglise qui « existe pour évangéliser ». La tâche est enthousiasmante.

 

Dominique Vermersch

Recteur de l’Université Catholique de l’Ouest

 

[1] Benoit XVI, Discours à l’Université Catholique du Sacré Cœur , 25 novembre 2005