Des recherches récentes soulignent que, depuis quelques décennies, le racisme se déplace de la notion de « race » vers celle de « culture » et de la thématique de l’« inégalité » vers celle de la « différence » (mixophobie). Dans le même temps, ce phénomène semble se caractériser, également, par le recours à des énoncés hétérophiles (droit à la différence) plutôt qu’à des expressions hétérophobes. La classification et la hiérarchisation des races à partir de critères anthropométriques (corps visibles et mesurables), puis les doctrines bio-inégalitaires (invisibilité corporelle) paraissent laisser leur place à un racisme centré sur la « culturisation » de l’autre. Si ces analyses diagnostiquent avec une certaine pertinence les mutations auxquelles nous avons affaire, aujourd’hui, il serait inexact de croire que le corps s’efface pour ne laisser place, in fine, qu’à des conflits liés à l’appartenance à des formes de vie dissemblables. Car, à notre époque, le corps comme phénomène se réinvite dans l’espace public. La question du blackface, les débats sur le port du voile, le problème du « délit de faciès », ou celui de la biométrique mise au service de logiques sécuritaires fonctionnent comme différents symptômes de cette nouvelle réalité. La présente contribution s’efforcera, dans un premier temps, de situer les différentes manifestations du retour de la question du corps comme expérience de crispation identitaire. Ensuite, il s’agira de traiter le problème de la monosémie dans l’interprétation du corps comme écriture d’une identité. Enfin, le dernier mouvement de notre communication visera à poser quelques jalons pour une éthique de l’hospitalité au regard du corps d’autrui et de ses manifestations dans le champ de la socialité.