Le projet moderne est un projet d’autonomie, lequel a deux implications immédiates. Il implique l’idée d’un peuple souverain, maître de son destin, et il implique l’idée d’un individu sujet de droits naturels et imprescriptibles, que le pouvoir se doit de protéger, voire de faire advenir contre toutes les aliénations sociales. Le problème vient du fait qu’avec la Révolution française et la Terreur, ces deux idées sont apparues, à tort ou à raison, destructrices de la société. Le projet d’autonomie est apparu comme un projet destructeur, peut-être dans la mesure où ces deux idées de peuple souverain et d’individu sujet de droits ne peuvent avoir de limite à leur mise en œuvre – le « peuple » souverain étant nécessairement de l’ordre du fantasme plutôt que de la réalité, et l’homme « naturellement libre » étant une abstraction que l’on peut indéfiniment opposer à tous les aspects « aliénants » de la vie sociale. À partir de là, trois options se sont donc présentées aux post-révolutionnaires : le refus du projet d’autonomie lui-même, qui définit la position rétrograde ou conservatrice ; la tentative de lui donner un cadre institutionnel ou gouvernemental stable, qui pourrait définir le libéralisme politique ; la tentative de trouver dans la connaissance de la société une règle susceptible d’informer l’autonomie moderne, qui pourrait définir le progressisme sociologique.