Résumé | Les travaux d’Erving Goffman, parmi d’autres, ont permis d’ouvrir le champ des possibles au niveau microsociologique (1973, 1974). L’étude des stratégies et des rôles sociaux permettant la dynamique des interactions permet de comprendre, au quotidien, comment se déroulent les relations humaines dans leurs micro-événements. Mis en relation avec Elias, ils autorisent une compréhension fine de la notion de configuration (1983). Issus de la recherche en éthologie (Winkin, 2005), les travaux initiaux de Goffman ont permis d’améliorer la compréhension du quotidien. En retour, ces avancées permettent une compréhension des relations inter-espèces, comme les relations humains-chiens (Guillo, 2011), ou encore les relations humains-chevaux (Régnier, 2014, 2016). Ils permettent même, dans une sorte de retour aux sources, d’envisager les relations des chevaux entre eux sous l’angle sociologique (Régnier, Roche, 2020, 2021). Basés sur les concepts élaborés par Goffman, ces travaux portant sur les relations anthropo-équines et inter-équines offrent un autre « regard sociologique » (Hughes, 1996) sur les techniques équestres, et relativiser la prégnance des gènes dans la réalisation des interactions équines, in vivo in situ.
L’équitation apparaît comme une forme élaborée de langage corporel inter-espèce permettant aux humains de communiquer avec les chevaux. Ces techniques, tributaires de l’éthique cavalière qui s’y rattache, utilisées de manières plus ou moins violentes, permettent l’interaction corporelle dans toute sa complexité (alliant expériences, proprioceptions, sensations, perceptions…). De plus, l’apprentissage d’une technique équestre se construit autour de l’autorisé ou non, du normé ou non. Le cheval, de son côté, tolère plus ou moins l’usage de telle technique. En regard de ces techniques équestres, l’analyse des relations des chevaux entre eux permet de mettre en évidence l’importance de l’apprentissage des micro-éléments du social équin, des logiques de perte ou de sauvegarde de la face qui semblent apparaître dans des sociétés autres qu’humaines (tel le maintien de l’ordre social par l’usage de rôles prédéfinis). Ainsi, les théories proposées et souvent modifiées par Goffman lui-même au fil de ses analyses permettent d’étudier des nouveaux terrains de relations, bien loin de ce que cet auteur célèbre avait prévu d’étudier a priori. |