Les communautés éducatives vivent aujourd’hui des mutations profondes de leurs contextes de travail : Trois enjeux, qui sous-tendent un nombre important de problématiques , émergent : 1/Face à la désinstitutionalisation de l’école, comment trouver un équilibre satisfaisant entre proximité et distance vis-à-vis des apprenants, des familles ? 2/Face à l’amalgame entre connaissance et information, comment inciter les apprenants à investir les apprentissages et les efforts que ceux-ci comportent ? 3/Face au développement d’une culture « jeune » qui surprend les adultes, comment réparer l’écart culturel qui se creuse entre les générations, afin de préserver une citoyenneté unifiée et unificatrice, respectueuse des valeurs démocratiques ?

Interface entre les équipes éducatives, les élèves et leurs familles, le chef d’établissement se pose en « écran de protection », en arbitre et régulateur. En tant que supérieur hiérarchique, il est aussi la cible de récriminations, d’acrimonies et parfois d’agressivité de la part des personnels. Enfin, en dehors des crises qui rythment parfois son activité, il lui appartient également de penser l’avenir pour son établissement et de négocier avec les représentants de l’administration, de l’institution.

Dans ce décor de complexité, se place l’objet de cette contribution.  Elle cherche à répondre à la question suivante : « Face aux nouveaux enjeux éducatifs, quelle posture pour le dirigeant d’établissement vis-à-vis de ses équipes ? ».

En réponse à l’érosion de l’autorité, qui fondait autrefois la fonction éducative et la hiérarchie managériale, la notion d’« émancipation » proposée par Jacques Rancière (Rancière J. 1987) permet de sortir du paradoxe proximité/distance, tout en préservant l’asymétrie de la relation hiérarchique, nécessaire et étayant dans la fonction d’encadrement. Forcement bienveillante, elle encourage le dirigeant à se décentrer, à se distancier, à accueillir simplement ce qui est. Plus attentif aux besoins de ses collaborateurs, il peut ainsi les amener vers un chemin de développement apprenant, respectueux de leur singularité et laisser libre place au dissensus et à la controverse.

Dans une société qui se conjugue au présent et où les écarts générationnels se creusent, le personnage de Joseph Jacotot est une clef de lecture inédite, originale et créative pour réinterpréter le management contemporain, tout en respectant sa fonction sociale et technique. Créant les conditions d’un dialogue authentique, libre et constructif, elle présente enfin l’avantage de s’adapter de manière particulièrement appropriée au monde de l’enseignement, fournissant aux équipes éducatives une inspiration signifiante, dynamique et constructive pour les salles de classe ou les cours de récrée.