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Journée d'étude

« Numérique, robotique, génétique » : la France au seuil de sa troisième révolution agricole

Affiche de la journée

« Numérique, robotique, génétique » : la France au seuil de sa troisième révolution agricole

« Notre troisième révolution agricole, celle qui passe par numérique, robotique, génétique ». C’est ainsi, lors de sa visite au Salon de l’agriculture de 2022, que le président de la République, Emmanuel Macron, dévoilait les principaux contours du plan d’investissement que la France engageait pour son agriculture. Le triptyque soutenant cette troisième révolution agricole ayant la double vocation, selon le chef de l’Etat, de répondre aux enjeux futurs, principalement ceux liés au dérèglement climatique, tout en assurant sa première raison d’être, celle de « nourrir notre population ». Une « révolution » appuyée sur 3 piliers : le numérique (collecter des données), la robotique (drones, machines autonomes) et la génétique (modification génétique des cultures).

Inscrit dans le plan d’investissement « France 2030 » engagé en 2021, dont l’objectif est de faire de la France le « leader de l’économie de demain »*, ce programme montre d’ores et déjà ses effets dans le monde agricole, à travers le développement, notamment, de robots autonomes guidés par satellites, de procédés d’ « amélioration génétique » des cultures ou encore de « fermes verticales » destinées à accroitre la production agricole. Toutefois, loin de se réduire à ces quelques changements sporadiques, cette révolution agricole implique – comme celles qui la précèdent – des bouleversements à la fois majeurs et généraux. Ainsi, si les conséquences de l’extinction progressive de la paysannerie par l’agriculture professionnelle ont été, depuis lors, largement documentées et étudiées (Mendras, 1967), le modèle actuel entend, quant à lui, promouvoir une figure inédite, celle du « nouvel entrepreneur du vivant »**, dont les conséquences restent à appréhender. De la même manière, l’orientation technoscientifique prise par cette révolution agricole inaugure de nouvelles interrogations, que ce soit dans la manière de considérer le travail de la terre ou même le rapport au temps – puisqu’avec les robots agricoles « des tâches qui prennent normalement des semaines peuvent être accomplies en seulement une journée voire deux »***. Enfin, sans que ces pistes ne soient ici exhaustives, les changements qui attendent le monde agricole sont amenés à transformer en profondeur nos paysages et, donc, notre environnement. Si la disparition des campagnes avait été, là aussi, annoncée il y a de cela un demi-siècle (Charbonneau, 2023), l’extension irrésistible du complexe agro-industriel continue de marquer de son empreinte les différents espaces ruraux.

Considérant que de tels bouleversements ne concernent pas seulement les agriculteurs ou les agronomes, mais sont éminemment politiques (Berry, 2022) – au sens originel du terme, à savoir ce qui concerne la vie de la cité –, cette journée d’étude entend appréhender et éclairer les enjeux qui entourent cette troisième révolution agricole, aussi bien dans ses dimensions les plus globales – politiques, anthropologiques, sociales, etc. – que dans ses manifestations plus locales. Le lieu même de cette réflexion n’est d’ailleurs pas sans importance : marqué par les conflits autour des réserves de substitution d’eau, le territoire des Deux-Sèvres témoigne à lui seul de l’intrication étroite de ces deux échelles.

Cette journée d’étude pourra articuler ses réflexions autour de plusieurs axes, lesquels ne sont ici pas exhaustifs et sont à même d’être complétés : 

  • Un premier axe concerne l’inscription de cette troisième révolution agricole dans le cycle et l’histoire de celles qui la précèdent : s’inscrit-elle dans une forme de continuité, ou marque-t-elle, au contraire, une rupture majeure ? Alors que de nos jours la figure de l’agriculteur apparaît indissociable de celle du tracteur, l’arrivée de cette machine au début du siècle dernier était alors perçue comme une menace au sein du monde agricole (Alary, 2016). Dès lors, les changements d’aujourd’hui, malgré leur importance, ne doivent-ils pas être considérés comme les évidences de demain ?
  • Un deuxième axe vise, cette fois, les potentielles conséquences – politiques, anthropologiques, sociales, etc. – impliquées par ces bouleversements. Si la réflexion prospective est généralement écartée de la recherche en sciences humaines et sociales, celle-ci demeure néanmoins essentielle sur ce sujet, tant la place du « futur » est centrale dans la légitimation et la justification des changements mis en œuvre.
  • Un troisième axe, enfin, entend interroger les formes de résistances opposées à la logique techno-scientifique, et plus largement à considérer la permanence, ou non, des alternatives à cette orientation (Deléage, 2013). Cette troisième révolution agricole s’inscrit pleinement dans la trame suivie par nos sociétés modernes, celle concevant le progrès essentiellement sous l’angle du progrès technique. Une conception destructrice du politique, en tant qu’espace du choix et de la délibération.

 

Bibliographie indicative :

ALARY Eric, L’Histoire des paysans français, Perrin, Pour l’histoire, 2016.

BERRY Wendel, Le grand démantèlement, R&N éditions, 2022.

CHARBONNEAU Bernard, Tristes campagnes, L’Echappée, 2023.

DELEAGE Estelle, Ravages productivistes, résistances paysannes, Le Bord de l’eau, 2013.

MENDRAS Henri, La fin des paysans, Paris, SEDEIS, 1967.



* France 2030 : plan d'investissement pour la France de demain - enseignementsup-recherche.gouv.fr

** Les métiers du vivant sont faits pour vous ! - Gouvernement.fr

*** La robotique au service des agriculteurs européens ! (agreenculture.net)




 

 

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