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Workshop

Intertextualité entre l’Ancien, le Nouveau Testament, et la littérature intertestamentaire et rabbinique

Rabban Gamliel et ses étudiants, Brockhaus and Efron Jewish Encyclopedia, 1906–1913

Redécouvrir le Nouveau Testament à la lumière du judaïsme du Second Temple : une exploration renouvelée des strates textuelles dans les corpus johannique et paulinien

Le Nouveau Testament s'inscrit pleinement dans le monde juif du Ier siècle, époque traversée par une intense dynamique théologique, liturgique et herméneutique. Loin de représenter une rupture, il prolonge et transforme une tradition scripturaire multiforme, héritée du judaïsme du Second Temple. Ce judaïsme, structuré autour du Temple, de l'étude des Écritures, des interprétations orales et des attentes eschatologiques, se manifeste à travers divers courants — pharisiens, sadducéens, esséniens, mouvements apocalyptiques — dont les débats irriguent les textes chrétiens les plus anciens.

Les écrits johanniques et pauliens offrent, à cet égard, deux expressions particulièrement denses et théologiquement élaborées de cette intertextualité. Le quatrième Évangile, tout en se distinguant par son style et sa théologie propre, s'inscrit dans un dialogue soutenu avec les Écritures d'Israël, dont il reprend les images fondamentales : la lumière, l'eau, la vigne, le berger, la manne, le Temple. L'identification de Jésus avec le Nom divin — à travers les affirmations 'Je suis' — s'enracine dans une lecture méditative de l'Exode, d'Isaïe et des traditions sapientielles, mais elle se déploie aussi en tension avec certaines relectures contemporaines du Temple ou de la Loi. La construction de scènes narratives dans l'Évangile selon Jean révèle une mémoire structurée de motifs bibliques (comme ceux de Genèse, d'Exode ou des Psaumes), tout en dialoguant implicitement avec des traditions juives postbibliques, comme le targum, le midrash ou la spéculation mystique sur la Sagesse.

De son côté, le corpus paulinien témoigne d'un engagement herméneutique profond avec les Écritures d'Israël, réinterprétées à la lumière de l'événement christique. Paul cite, reformule, condense ou tisse ensemble des passages de la Torah, des Prophètes et des Écrits pour construire une théologie du salut, de la justification, de la promesse et de l'eschatologie qui, tout en demeurant ancrée dans la tradition juive, s'ouvre à une lecture universelle. Ses lettres font également écho à des débats juridiques et exégétiques que l'on retrouve dans la littérature intertestamentaire, notamment dans les écrits de Qumrân, les testaments des patriarches ou certaines figures pseudépigraphiques. La notion de 'mystère' (μυστήριον), l'usage des typologies (Adam-Christ, Ève-Église), la fonction de la Loi, la relecture de la figure d'Abraham ou du Serviteur, s'inscrivent dans un tissu exégétique et théologique partagé, dont les sources extrabibliques, tant palestiniennes que diasporiques, fournissent de multiples clefs de lecture.

Toutefois, à mesure que ces textes ont été transmis, copiés, traduits, ils ont circulé dans des milieux parfois de plus en plus distants de leur matrice juive. Cette transmission a pu entraîner des simplifications, des glissements ou des omissions, souvent involontaires, mais significatifs sur le plan théologique. Les scribes, souvent étrangers aux traditions interprétatives juives anciennes, ont parfois atténué des formulations, effacé des tensions, ou harmonisé des dissonances qui faisaient pourtant partie intégrante du tissu originel. La destruction du Temple en 70 apr. J.-C. et la reconfiguration du judaïsme autour du rabbinisme ont accentué cet éloignement, tout en conservant, dans la tradition midrashique et talmudique, de nombreux éléments susceptibles d’éclairer les textes chrétiens.

Dans ce contexte, l'attention aux variantes textuelles revêt une importance particulière. Certains témoins anciens, comme le Codex de Bèze (D05), conservent des formulations alternatives qui, sans toujours représenter un état plus primitif, portent la trace de traditions interprétatives spécifiques. Le Codex se distingue par sa liberté rédactionnelle, sa transmission indépendante, et parfois par une plus grande proximité avec certaines formulations ou préoccupations juives. Il en va de même pour le Papyrus 46 ou les manuscrits occidentaux des lettres pauliniennes, qui témoignent de lectures différentes, souvent théologiquement significatives.

Relire les corpus johannique et paulinien à la lumière du judaïsme du Second Temple ne consiste pas à plaquer des catégories fixes sur des textes, mais à restituer leur complexité dynamique, en les replaçant dans le réseau sémantique, théologique et rituel de leur temps. C'est faire droit à une tradition plurielle, en constante relecture, au sein de laquelle les textes du Nouveau Testament prennent sens et déploient toute leur richesse. Cette démarche invite à redonner aux traditions juives leur rôle fondamental dans la genèse du christianisme, non comme simple arrière-plan, mais comme matrice vive et partagée.

 

 

 

 

Entrée libre

Pour plus d'informations : lpinchard@uco.fr

Ce workshop propose de revisiter les liens profonds entre le Nouveau Testament et les traditions juives du Second Temple, de la période intertestamentaire et du judaïsme rabbinique naissant. Les textes néotestamentaires, nourris par les Écritures d'Israël, par les débats exégétiques et par la tradition orale, résonnent avec des motifs et des interprétations qui s'ancrent dans la littérature juive ancienne.

À travers des échanges centrés sur la critique textuelle, l'exégèse biblique et la réception des traditions juives dans le christianisme naissant, cette rencontre vise à ouvrir un espace de réflexion commune. Elle réunit des spécialistes de l'Ancien Testament, du Nouveau Testament, du Talmud et de la littérature rabbinique, invités à réfléchir ensemble, en croisant leurs approches, dans un cadre volontairement non formel : il ne s'agira pas de communications académiques classiques, mais d'un travail en dialogue, entre chercheurs heureux de confronter leurs lectures et d'avancer ensemble. Il ne s'agira pas de communications formelles, mais d'un travail en dialogue entre chercheurs, dans un cadre informel, vivant et exigeant. Les échanges s'appuieront sur les compétences spécifiques de chacun, dans un esprit de réflexion commune.

Le workshop est ouvert à toute personne désireuse d'écouter ces discussions et de découvrir, en toute simplicité, la richesse de ce travail partagé.

 

Programme des versets discutés :

Passages johanniques 

Les variantes suivantes, propres au Codex de Bèze (D05), concernent plusieurs passages de l'Évangile selon Jean. Elles se distinguent du texte grec édité par leur teneur théologique ou narrative, et offrent parfois un éclairage original sur le contexte juif du Ier siècle. Ces lectures anciennes méritent d'être examinées en lien avec les traditions exégétiques du judaïsme du Second Temple.

  • Jn 1,14.18 : sur l'identité du « Fils unique »
  • Jn 4,46-54 : sur le rôle du fonctionnaire royal et son lien possible avec le judaïsme
  • Jn 7,49 : sur la signification du terme « maudit »
  • Jn 8,12 : sur l'importance de « JE SUIS » en lien avec le Temple
  • Jn 11,54 : sur le sens possible, en hébreu/araméen, du toponyme Samphourein
  • Jn 13,2 : sur la figure de Judas de Kayote ou Judas Iscariote
  • Jn 21 : sur les allusions éventuelles au grand prêtre dans la figure de Pierre, en lien avec l'orthographe Ioanes dans D05 (variante de Ioannes)

 

Passages pauliniens

Passages pauliniens Les lettres de Paul, quant à elles, présentent des variantes notables dans les témoins dits « occidentaux » (notamment D, F, G)* ainsi que dans le Papyrus 46,** l'un des plus anciens manuscrits du corpus paulinien. Ces divergences textuelles, parfois brèves mais significatives, modifient ou nuancent des affirmations majeures concernant le salut, la résurrection, la fonction de la Loi ou la structure ecclésiale.

  • Ep 4,15 : sur la croissance vers le Christ, tête de l'Église
  • 1 Co 15,51-52 : sur la transformation des vivants et la résurrection à la fin
  • Ep 2,5 : sur le salut par grâce, alors que nous étions morts dans nos fautes
  • Ga 3,19 : sur la fonction transitoire de la Loi et son rôle face aux transgressions
  • 1 Th 1,1 : sur la formule d'adresse et la place du Père et du Christ dans l'Église

*Codex Claromontanus (D06, Dp, Paris, Bibliothèque nationale de France, Gr. 107, VIe siècle), Codex Augiensis (F10, Fp, Cambridge, Trinity College, MS B.17.1, IXe siècle), Codex Boernerianus (G12, Gp, Dresde, Sächsische Landesbibliothek – Staats- und Universitätsbibliothek, Cod. theol. gr. 208, IXe siècle)

**Papyrus 46 (𝔓⁴⁶, Dublin, Chester Beatty Library, Papyrus II, et Ann Arbor, University of Michigan, Inv. 6238, fin IIe – début IIIe siècle)

 

Mercredi 11 Juin 2025

UCO Angers - salle VT101
14h00-18h00

Discussion des versets

 

Jeudi 12 Juin 2025

UCO Angers - salle VT101
9h00-13h00

Discussion des versets

château d'Angers
14h00

Visite guidée de la Tenture de l’Apocalypse par Maï LE GALLIC (UCO Angers)

 

Infos pratiques
11-12 juin
14h-18h|9h-13h
UCO Angers - salle VT101
Comité d'organisation UCO
Communicants UCO
Communicants hors-uco
  • Jenny Read-Heimerdinger (Newman University, UK)
  • Hervé-Élie Bokobza (Collège des Bernardins)
  • Éric Morin (Collège des Bernardins)
  • Béatrice Papasoglou (Institut Catholique de Toulouse)
Equipe(s) UCO faculté(s)
Faculté de Théologie
Campus
UCO Angers