L’olfaction au cœur de l’humain, la place du sentir dans les sciences humaines et sociales

L’olfaction au cœur de l’humain, la place du sentir dans les sciences humaines et sociales
Enjeux scientifiques de la journée
Les recherches autour de l’olfaction sont particulièrement développées dans les sciences dites « dures ». Le prix Nobel attribué en 2004 à Axel et Buck pour leur découverte des récepteurs neuroolfactifs (Buck & Axel, 1991) consacre une avancée en sciences dures, en olfaction fondamentale. De façon plus générale, ces sciences de la nature et les sciences formelles participent d’une meilleure connaissance du sens de l’olfaction, de sa physiologie (Klossek, 1998), de son fonctionnement neurologique (Minic et al. 2005 ; Holley, 2006, Trotier, et al. , 2007; Salesse, 2012 ; Duchamp-Viret et al. 2012), de sa contribution au goût (Salesse & Gervais, 2012 ; Brondel, 2013 ; Lavialle, & Salesse, 2015), des pathologies associées (Demarquay, 2017), de ses troubles (Bonfils, 2004), de ses applications techniques comme le headspace (Kaiser, 1997) ou l’analyse de la qualité olfactive de l’air (Jaubert, 2008). Cette recherche florissante est difficile à circonscrire, il n’est pas le lieu ici de faire un inventaire exhaustif. Les sciences de la nature et les sciences formelles contribuent cependant grandement au champ.
De l’autre côté du spectre épistémologique, les sciences humaines et sociales apportent un regard différent qui occupe une place moins explorée. Pour preuve, une recherche, dans Google scholar, donne 122 000 résultats pour la requête « olfaction sciences » alors qu’elle n’en donne que 18 400 pour « olfaction sciences humaines ». Les revues académiques spécialisées autour de ce domaine n’existent pas.
Pourtant une recherche existe et soulève des questions heuristiques sur la nature complexe des odeurs et de l’acte de sentir : en philosophie (Jacquet, 2010), en anthropologie (Candau, 2000a, 2000b), dans la relation mère/enfant (Schaal, et al. , 1980 ; Marlier & Schaal, 1997), dans les questions de langage (Rouby & Sicard, 1997 ; Schnedecker, 2011; Tamba, 2011; Theissen, 2011 ; Vassiliadou, & Lammert, 2011; Jaubert, 1990 ; Candau & Wathelet, 2011; Blumenthal, 2011 ; Kleiber, 2011a, 2011b ; Sulmont-Rossé & Urdapilleta, 2012 ; Rinck, 2018 ; Jaubert, 2022), en design olfactif (Bonnard 2014 ; Baudequin (thèse en cours) ; en commercialisation (Krishna, Morrin & Sayin, 2014) ; en art olfactif (Jacquet, 2015; Barré, 2021) ; en histoire de l’art (Muller, 2020) ; en histoire (Le Guérer, 2001, 2002, 2005, 2006; Feydeau, 2019), en commercialisation (Classen & Howes, 2003), en sciences de l’éducation (Duchesne & Jaubert, 1989, Alvarez, 2019 ; Cadiou, 2023).
Howes (2003) nous rappelle que nous sommes à un tournant dans l’appréciation et la place des odeurs. Ce « Sensual Turn » s’observe par ces avancées scientifiques, mais aussi le succès du roman de Suskind, le Parfum (1985) , la revue « Nez » ou bien la massification des points de vente de parfums.
Contenu et axes de la journée d'étude
La journée scientifique que nous organisons s’inscrit dans cette direction et souhaite donc explorer l’olfaction sous l’angle des sciences humaines et sociales. Comment les odeurs prennent-elles place dans nos vies ? Quels usages, effets, pensées, émotions, sublimations produisent-elles ? Comment organisent-elles nos vies ? Nous souhaitons définir et explorer des questions que les odeurs soulèvent au regard de notre existence et notre humanité.
Nous attendons des communications de nature et contenu variés venant de toutes les disciplines issues des sciences humaines et sociales.
Il peut s’agir de recherches, d’expérimentations, de retours d’expériences qui concernent la façon avec laquelle des sujets au statut varié appréhendent les odeurs, qu’ils soient enseignants, formateurs, éducateurs, parents, apprenants, créateurs, artistes, soignants (...), dans différents contextes : famille, école, association, formation commerciale, lycée, université, restauration, salle d’exposition, lieu de soin…
Nous cherchons à circonscrire les divers enjeux qui animent cet objet de recherche des odeurs : quelles questions soulèvent les odeurs, dans quelles tensions sommes-nous pris quand nous sentons ou utilisons des odeurs? Comment sent-on et apprend-on à sentir ? Comment apprécie-t-on ces informations que nous recevons, percevons et symbolisons ?
- Axe 1 : l’olfaction dans l'enseignement, la formation, l’éducation
Comment s’éduquent et s’enseignent les odeurs selon que l’on vit dans une culture, un pays, une époque ? Cet axe examine divers contextes : la famille, l’institution scolaire, le monde professionnel lié aux odeurs, de la vente à l’industrie en passant par la parfumerie fine. Et il vise à décrire les fondements, les objectifs, les étapes, les moyens de cette éducation, mais aussi ses difficultés, voire ses entraves. Cet axe porte son regard vers une pédagogie et une didactique en olfaction.
- Axe 2 : l’olfaction dans la gastronomie, l'œnologie
Dans cette dynamique se trouvent tous les travaux qui contribuent à ce que « manger veut dire », en considérant que l’olfaction est partie prenante du goût. Il s'agit de percevoir ce qui se cache derrière l’aphorisme de Brillat-Savarin (1865) : « Dis-moi ce que tu manges, je te dirai ce que tu es » en la plagiant en « Dis-moi ce que tu sens et je te dirai qui tu es ». Les choix gastronomiques sont questionnés par la focale sociologique, ethnologique, économique… La question de la transmission de l’olfaction en gastronomie et œnologie est particulièrement bienvenue dans cet axe.
- Axe 3 : l’olfaction dans l’esthétique
Cet axe s’intéresse à la place de l’olfaction dans le domaine esthétique et/ou artistique. Qu’il s’agisse de la parfumerie fine, de l’art olfactif, de la recherche-création en olfaction, du design olfactif, des spectacles vivants en lien avec l’olfaction. Nous cherchons à rendre compte de productions à caractère esthétique, de démarches artistiques en lien avec l’expérience olfactive. La gastronomie et l'œnologie ont là aussi entièrement leur place.
- Axe 4 : l’olfaction dans l’expérience humaine
Cet axe s’intéresse à la place de l’olfaction dans la vie des humains, en dehors des questions de transmission de savoir, de gastronomie et d’esthétique. Il s’intéresse à la vie ordinaire des individus : les habitudes, l’hygiène, les fonctions… des odeurs et de l’odorat, mais aussi à l’extraordinaire : les accidents, la maladie, l’appréhension de la nouveauté en termes olfactifs. Les entrées anthropologique, sociologique, historique, philosophique, linguistique … permettent d’interroger la place des odeurs dans la vie des humains quel que soit leur âge, leur milieu, leur genre, leur état physique.
La liste des domaines cités est non exhaustive et nous nous réjouissons d’être surpris…
Scientific issues of the study day
Research around olfaction is particularly developed in the so-called “hard” sciences. The Nobel Prize awarded in 20024 to Axel and Buck for their discovery of neuroolfactory receptors (Buck & Axel, 1991) marks an advance in hard sciences, in olfaction. More generally, these natural sciences and formal sciences contribute to a better knowledge of the sense of olfaction, its physiology (Klossek, 1998), and its neurological functioning (Minic et al. 2005; Holley , 2006, Trotier, et al., 2007; Salesse, 2012; Duchamp-Viret et al. 2012), its contribution to taste (Salesse & Gervais, 2012; Brondel, 2013; Lavialle, & Salesse, 2015), pathologies associated (Demarquay, 2017), its disorders (Bonfils, 2004), its technical applications such as headspace (Kaiser, 1997) or the analysis of the olfactory quality of the air (Jaubert, 2008). This flourishing research is difficult to define, there is no place here to make an exhaustive inventory. However, the natural sciences and formal sciences contribute greatly to the field.
On the other side of the epistemological spectrum, the human and social sciences provide a different perspective that occupies a less explored place. As proof, a search in Google scholar gives 122,000 results for the query “olfaction sciences” while it only gives 18,400 for “olfaction human sciences”. Academic journals specialized in this area do not exist.
However, research exists and raises heuristic questions on the complex nature of odors and the act of smelling: in philosophy (Jacquet, 2010), in anthropology (Candau, 2000a, 2000b), in the mother/child relationship (Schaal, et al., 1980; Marlier & Schaal, 1997), in questions of language (Rouby & Sicard, 1997; Schnedecker, 2011; Tamba, 2011; Theissen, 2011; Vassiliadou, & Lammert, 2011; Jaubert, 1990; Candau & Wathelet, 2011; Blumenthal, 2011; Kleiber, 2011a, 2011b; Sulmont-Rossé & Urdapilleta, 2012; Rinck, 2018; Jaubert, 2022), in olfactory design (Bonnard 2014; Baudequin (thesis in progress); in marketing (Krishna, Morrin & Sayin, 2014); in olfactory art (Jacquet, 2015; Barré, 2021); in art history (Muller, 2020); in history (Le Guéré, 2001, 2002, 2005, 2006; Feydeau, 2019) , in marketing (Classen & Howes, 2003), in educational sciences (Duchesne & Jaubert, 1989, Alvarez, 2019; Cadiou, 2023).
Howes (2003) reminds us that we are at a turning point in the appreciation and place of smells. This “Sensual Turn” is observed by these scientific advances, but also the success of Suskind’s novel, Perfume (1985), the magazine “Nez” or the massification of perfume sales points.
Content and areas of the study day
The scientific day that we are organizing is in this direction and therefore wishes to explore olfaction from the angle of human and social sciences. How do smells play a role in our lives? What uses, effects, thoughts, emotions, sublimations do they produce? How do they organize our lives? We wish to define and explore questions that smells raise with regard to our existence and our humanity.
We expect communications of varied nature and content from all disciplines in the human and social sciences.
It may involve research, experimentation, feedback which concerns the way in which subjects of varied status apprehend odors, whether they are teachers, trainers, educators, parents, learners, creators, artists, caregivers (...), in different contexts: family, school, association, commercial training, high school, university, catering, showroom, place of care, etc.
We seek to circumscribe the various issues that drive this object of odor research: what questions do odors raise, what tensions are we caught in when we smell or use odors? How do we feel and learn to feel? How do we appreciate this information that we receive, perceive and symbolize?
- Axis 1: olfaction in teaching, training, education
How are smells educated and taught depending on whether we live in a culture, a country, or an era? This axis examines various contexts: the family, the educational institution, the professional world linked to odors, from sales to industry including fine perfumery. And it aims to describe the foundations, the objectives, the stages, the means of this education, but also its difficulties, even its obstacles. This axis focuses on pedagogy and didactics in olfaction.
- Axis 2: olfaction in gastronomy, oenology
In this dynamic are all the works that contribute to what “eating means”, considering that olfaction is an integral part of taste. It is a matter of perceiving what is hidden behind the aphorism of Brillat-Savarin (1865): “Tell me what you eat, I will tell you what you are” by plagiarizing it into “Tell me what you are”. feel and I will tell you who you are”. Gastronomic choices are questioned by the sociological, ethnological, economic focus…
The question of the transmission of olfaction in gastronomy and oenology is particularly welcome in this area.
- Axis 3: olfaction in aesthetics
This axis is interested in the place of olfaction in the aesthetic and/or artistic domain. Whether it is fine perfumery, olfactory art, research-creation in olfaction, olfactory design, live shows linked to olfaction. We seek to report on productions of an aesthetic nature, artistic approaches linked to the olfactory experience. Gastronomy and oenology also have their place here.
- Axis 4: olfaction in the human experience
This axis is interested in the place of olfaction in human life, apart from questions of transmission of knowledge, gastronomy and aesthetics. He is interested in the ordinary life of individuals: habits, hygiene, functions... odors and smell, but also in the extraordinary: accidents, illness, the apprehension of novelty in terms olfactory. The anthropological, sociological, historical, philosophical, linguistic… entries allow us to question the place of odors in the lives of humans whatever their age, their environment, their gender, their physical state.
The list of areas cited is non-exhaustive and we look forward to being surprised…
Jeudi 28 Novembre 2024
UCO Niort
9h00
Accueil des participants
9h30
Ouverture de la journée d’études avec les organisateurs Sandra CADIOU (LIRFE, UCO Niort) et Dominique ALVAREZ (Université Toulouse - Jean Jaurès)
9h45
Conférence d'ouverture par Jean Noël JAUBERT (CNRS)
10h30
Sophie TEMPERE (Université de Bordeaux, Institut des sciences de la vigne et du vin) : « Intégration de l’imagerie mentale dans l’apprentissage olfactif appliquée à la dégustation des vins »
11h00
Agathe TORTI ALCAYAGA (Université Sorbonne Paris Nord) : « Que sent-on lorsqu’on sent au théâtre ? Figures du sentir et du ressentir »
11h30
Pause café
11h45
Cécile LACOTE COQUEREAU (Nantes Université) : « Autisme et Olfaction : Le parfum du souvenir, une pédagogie heuristique en réalité virtuelle ? »
12h15
Pascale PERETTI (RPPsy, UCO Angers) : « Ces patients qui "ne se sentent plus" et qu’on "ne peut plus sentir" : Quand la relation au sujet neuro-affecté devient irrespirable »
12h45
Pause méridienne :
- dégustation de vins par Dominique ALVAREZ avec la Maison des vins du Fronton
- temps libre pour le repas
- dégustation de chocolats GAP de Niort avec Georges-André PALLUAUD
14h30
Anne Charlotte BAUDEQUIN (LARA-Seppia, Université Toulouse - Jean Jaurès) : « L’odorat, un "sens de la terre". Revendications olfactives dans la conception de l’espace habité »
15h00
Émilie BONNARD (LARA-Seppia, Université Toulouse - Jean Jaurès) : « L’enseignement du design olfactif ou l’exploration d’un nouveau champ en design »
15h30
Pause café
15h45
Clara MULLER (Chercheure indépendante) : « Éduquer notre nez au vivant »
16h15
Ioana FILION QUIBEL (Université Toulouse - Jean Jaurès, INSPE) : « Éléments pour l’histoire d’une (nouvelle) esthétique à l'école, l'éducation du goût »
16h45
Clôture par les organisateurs
- Dominique Alvarez (Université Toulouse - Jean Jaurès)



