Regards croisés sur les normes
Regards croisés sur les normes
Cadrage
Parce que construites, les normes sont puissamment prescriptives, performatives. Comportements et attitudes, pratiques et représentations, mais aussi décisions, politiques et actions publiques traduisent en actes des normes, plus ou moins coercitives, plus ou moins partagées. Si les normes sont aussi multiples, elles n’en ont pas moins en commun de s’inscrire dans des rapports sociaux et ce faisant, de porter comme de révéler des processus allant de la stigmatisation à l’intégration. Elles sont enfin au principe des processus de régulation et de normalisation visant à encadrer les conduites, orienter les aspirations et les subjectivités.
Ces quelques dimensions n’épuisent pas le potentiel heuristique de cet objet que sont les normes. Le séminaire se propose d’en explorer quelques pistes, empiriques et pluridisciplinaires. Ainsi, comment chacun et chacune travaillons-nous concrètement cette question de la norme ? Qu’est-ce que cela induit, en termes d’enquête, d’ancrage théorique, pour savoir quoi ?
Le travail normatif à l'épreuve des populations « problématiques » par Alexandra CLAVÉ-MERCIER et Gérald HOUDEVILLE
A l’invitation à contribuer à ce séminaire, nous proposons de répondre en présentant nos travaux de recherche basés sur l’observation du traitement de populations certes différentes (jeunes en difficulté d’insertion sociale et professionnelle, populations « roms ») mais qui sont toutes visées par des interventions, des actions, des programmes, des dispositifs, etc. dans le cadre de ce qu’on peut appeler des politiques sociales. Ces interventions, actions, etc. sont justifiées par les problèmes dont ces populations sont considérées comme porteuses. Sociologue et anthropologue, nos intérêts de recherche en la matière convergent vers l’observation du travail des professionnels sur et avec ces populations faisant ou posant problème car ce travail constitue un observatoire privilégié des normes en vigueur dans notre société. Elles y sont révélées par le caractère explicite d’encadrement, de recadrement des populations concernées. Plus encore, l’observation de ce travail – notamment celui des agents de base (« street level bureaucrats ») directement confrontés aux personnes et aux situations « problématiques » – permet d’examiner la manière dont est effectivement mis en œuvre le travail normatif. Les professionnels, socialement chargés de ce travail, ne sont en effet pas de simples exécutants. Ils sont bien souvent conduits à opérer par ajustements, accommodements face à des populations dont l’appropriation d’actions, de dispositifs, etc. faits pour elles est tributaire des ressources, des intérêts et des aspirations résultant des trajectoires des individus qui composent ces publics de l’intervention sociale. In fine les rapports entre professionnels et « publics-cible » s’apparentent davantage à une confrontation, une mise à l’épreuve des cadres du travail des normes qu’à un travail mécanique reposant sur l’alignement d’emblée des parties prenantes de ce travail.
Sous le poids des normes : rapport au corps et santé au prisme du genre par Mathilde LAVRILLOUX
Alors que le Programme national de nutrition santé initié en 2001 visait à promouvoir une alimentation saine pour tous, il semble que les femmes, plus que les hommes, subissent une double pression : celle d'atteindre un idéal de santé d'une part, et d'autre part, celle de se conformer à des normes esthétiques de minceur. Cette communication propose donc, à partir d’une enquête par questionnaire, d’interroger leur rapport au corps. Les résultats montrent notamment que les femmes, bien plus exposées que les hommes aux normes de minceur, sont également plus enclines qu’eux à souhaiter acquérir une silhouette plus fine que celle qu’elles jugent en bonne santé. Ainsi, cette étude met en lumière la nécessité de repenser les messages de santé publique pour qu'ils prennent davantage en compte les influences culturelles et sociales pesant sur l'image corporelle.
Jeudi 23 Mai 2024
UCO Angers - salle V201
14h00
Alexandra CLAVÉ-MERCIER et Gérald HOUDEVILLE : « Le travail normatif à l’épreuve des populations "problématiques" »
15h00
Mathilde LAVRILLOUX : « Sous le poids des normes : rapport au corps et santé au prisme du genre »