Exégèse et histoire du texte biblique
Affilié depuis 2006 au laboratoire Orient & Méditerranée (UMR 8167 Textes, Archéologie, Histoire : Antiquité classique & tardive), cet axe se consacre à l’étude des multiples approches et interprétations de la Bible à travers les siècles.
Il englobe l’étude approfondie de la Bible hébraïque dans son contexte proche-oriental, ainsi que l’examen des origines du Nouveau Testament à partir des manuscrits grecs. Il explore l’histoire du christianisme primitif, les origines du Nouveau Testament à partir des manuscrits grecs, ainsi que sa réception dans les premières versions (latin, syriaque, copte). Il examine également l’influence des textes bibliques sur la littérature patristique et l’évolution des pratiques exégétiques, historico-critiques ou narratives. Cette recherche s’appuie sur une méthode interdisciplinaire, intégrant l’histoire, l’archéologie, la littérature rabbinique, ainsi que les interactions entre ces disciplines.
La Bible & ses lectures, Antiquité classique et tardive (B&L)
Les chercheurs de B&L se donnent pour objectif d’étudier les textes de la Bible (Bible hébraïque, Ancien Testament, Nouveau Testament) et leur réception dans les littératures intertestamentaire, rabbinique et patristique. Leurs travaux reposent sur une réelle interdisciplinarité (histoire, exégèse, archéologie, théologie, philosophie, sciences humaines et sociales) mise au service de la recherche autour d’un thème : « l’étranger », « les élites », « le modèle céleste », « les rumeurs et renommées ».
Programme 2021-2024
« Promesse d’une terre nouvelle et d’un corps nouveau »
La promesse d’une terre nouvelle et d’un corps nouveau est au cœur de l’espérance juive et chrétienne. Le Dieu biblique est à la fois un Dieu créateur et sauveur. Il n’abandonne pas l’humanité à ses souffrances et à ses servitudes nées du péché. À travers son alliance avec Israël, la condition corporelle et la matérialité même de notre terre sont appelées à être profondément renouvelées. Les chercheurs de La Bible & ses lectures (Antiquité classique et tardive) se proposent d’examiner comment les textes sources (les textes bibliques, les sources juives et chrétiennes antiques) rendent compte de cette promesse divine, et par suite, de cette espérance. Il s’agit en particulier de mettre en lumière comment les deux pôles de la promesse, « terre nouvelle » et « corps nouveau », sont définis et articulés. En retour, l’étude de ces sources antiques est susceptible d’alimenter, d’une part, les réflexions actuelles sur les grands défis écologiques de notre siècle, et d’autre part, les débats sur le caractère malléable, perfectible, de notre condition corporelle.
Programme 2024-2027
En cours d’élaboration
Intertextualité entre l’Ancien, le Nouveau Testament, et la littérature intertestamentaire et rabbinique
Redécouvrir le Nouveau Testament à la lumière du judaïsme du Second Temple : une exploration renouvelée des strates textuelles dans les corpus johannique et paulinien.
Le Nouveau Testament s’inscrit pleinement dans le monde juif du Ier siècle, époque traversée par une intense dynamique théologique, liturgique et herméneutique. Loin de représenter une rupture, il prolonge et transforme une tradition scripturaire multiforme, héritée du judaïsme du Second Temple. Ce judaïsme, structuré autour du Temple, de l’étude des Écritures, des interprétations orales et des attentes eschatologiques, se manifeste à travers divers courants — pharisiens, sadducéens, esséniens, mouvements apocalyptiques — dont les débats irriguent les textes chrétiens les plus anciens.
Les écrits johanniques et pauliens offrent, à cet égard, deux expressions particulièrement denses et théologiquement élaborées de cette intertextualité. Le quatrième Évangile, tout en se distinguant par son style et sa théologie propre, s’inscrit dans un dialogue soutenu avec les Écritures d’Israël, dont il reprend les images fondamentales : la lumière, l’eau, la vigne, le berger, la manne, le Temple. L’identification de Jésus avec le Nom divin — à travers les affirmations ‘Je suis’ — s’enracine dans une lecture méditative de l’Exode, d’Isaïe et des traditions sapientielles, mais elle se déploie aussi en tension avec certaines relectures contemporaines du Temple ou de la Loi. La construction de scènes narratives dans l’Évangile selon Jean révèle une mémoire structurée de motifs bibliques (comme ceux de Genèse, d’Exode ou des Psaumes), tout en dialoguant implicitement avec des traditions juives postbibliques, comme le targum, le midrash ou la spéculation mystique sur la Sagesse.
De son côté, le corpus paulinien témoigne d’un engagement herméneutique profond avec les Écritures d’Israël, réinterprétées à la lumière de l’événement christique. Paul cite, reformule, condense ou tisse ensemble des passages de la Torah, des Prophètes et des Écrits pour construire une théologie du salut, de la justification, de la promesse et de l’eschatologie qui, tout en demeurant ancrée dans la tradition juive, s’ouvre à une lecture universelle. Ses lettres font également écho à des débats juridiques et exégétiques que l’on retrouve dans la littérature intertestamentaire, notamment dans les écrits de Qumrân, les testaments des patriarches ou certaines figures pseudépigraphiques. La notion de ‘mystère’ (μυστήριον), l’usage des typologies (Adam-Christ, Ève-Église), la fonction de la Loi, la relecture de la figure d’Abraham ou du Serviteur, s’inscrivent dans un tissu exégétique et théologique partagé, dont les sources extrabibliques, tant palestiniennes que diasporiques, fournissent de multiples clefs de lecture.
Toutefois, à mesure que ces textes ont été transmis, copiés, traduits, ils ont circulé dans des milieux parfois de plus en plus distants de leur matrice juive. Cette transmission a pu entraîner des simplifications, des glissements ou des omissions, souvent involontaires, mais significatifs sur le plan théologique. Les scribes, souvent étrangers aux traditions interprétatives juives anciennes, ont parfois atténué des formulations, effacé des tensions, ou harmonisé des dissonances qui faisaient pourtant partie intégrante du tissu originel. La destruction du Temple en 70 apr. J.-C. et la reconfiguration du judaïsme autour du rabbinisme ont accentué cet éloignement, tout en conservant, dans la tradition midrashique et talmudique, de nombreux éléments susceptibles d’éclairer les textes chrétiens.
Dans ce contexte, l’attention aux variantes textuelles revêt une importance particulière. Certains témoins anciens, comme le Codex de Bèze (D05), conservent des formulations alternatives qui, sans toujours représenter un état plus primitif, portent la trace de traditions interprétatives spécifiques. Le Codex se distingue par sa liberté rédactionnelle, sa transmission indépendante, et parfois par une plus grande proximité avec certaines formulations ou préoccupations juives. Il en va de même pour le Papyrus 46 ou les manuscrits occidentaux des lettres pauliniennes, qui témoignent de lectures différentes, souvent théologiquement significatives.
Relire les corpus johannique et paulinien à la lumière du judaïsme du Second Temple ne consiste pas à plaquer des catégories fixes sur des textes, mais à restituer leur complexité dynamique, en les replaçant dans le réseau sémantique, théologique et rituel de leur temps. C’est faire droit à une tradition plurielle, en constante relecture, au sein de laquelle les textes du Nouveau Testament prennent sens et déploient toute leur richesse. Cette démarche invite à redonner aux traditions juives leur rôle fondamental dans la genèse du christianisme, non comme simple arrière-plan, mais comme matrice vive et partagée.