ADN : Actualité du Droit Naturel classique

ADN : Actualité du Droit Naturel classique

Contexte

Les systèmes juridiques contemporains traversent une crise majeure. Sans même parler de ruptures anthropologiques fortes, cette crise est constatée, et dénoncée, par tous les acteurs du droit, qu’ils soient praticiens ou universitaires. Elle se manifeste par de nombreux signes, comme par exemple l’inflation normative que rien ne semble pouvoir juguler ou encore la digitalisation, les enjeux environnementaux et techniques (robots, intelligence artificielle, big data, transhumanisme, etc.) désormais liés à la justice qui invitent à repenser le droit et les catégories juridiques habituelles. Les solutions à ces difficultés peuvent-elles rester purement techniques ? Ne doivent-elles pas au contraire reposer sur une vision du droit renouvelée, redonnant au cosmos, aux choses, à l’humain et aux sociétés une place bien souvent mise de côté aujourd’hui afin de redonner de la cohérence et de la consistance au droit et offrir une prévisibilité juridique aux justiciables ?

Objectifs

Les deux objectifs principaux sont d’analyser les évolutions du droit et de la justice à l’aune des principes du droit naturel (équité, proportionnalité, divisibilité, destination naturelle, bien commun…) et de proposer des solutions (aux problèmes juridiques actuels) inspirées du droit naturel. Les raisonnements mis en avant par les penseurs et les praticiens du droit naturel classique (Aristote et saint Thomas d’Aquin notamment), qui sont revivifiés par des penseurs et philosophes du droit contemporains (Michel Villey par exemple), présentent à cet égard un vif intérêt. La pensée classique fait pleinement partie de l’héritage des juristes et des patrimoines « génétique » et historique de nos systèmes juridiques. Bien que largement en sommeil, elle ne demande qu’à être mobilisée à nouveau pour contribuer, à sa mesure, au bien commun et à renouveler la science du droit. Dans le domaine de l’environnement, par exemple, la relation étroite entre le droit, la nature et les choses sur laquelle elle repose permettrait d’adapter le droit aux nouveaux enjeux contemporains. Il en va de même en droit des personnes et de la famille, où la question du rapport du droit au réel et à la nature est centrale.

Méthodes

Deux écueils doivent être évités. Le premier serait de ne donner du droit naturel qu’une vision purement théorique ou historique. Le second consisterait à penser la pratique juridique indépendamment de la théorie ou de l’histoire. L’objectif principal de ce projet consiste donc à rapprocher ces points de vue, qui s’enrichissent mutuellement.En ce sens, la théologie, la philosophie, les différentes branches du droit (privé, public, processuels) et l’histoire du droit sont convoquées de manière interdisciplinaire à la réflexion. Non pas de manière simplement juxtaposée et pluridisciplinaire, mais de manière imbriquée. Qu’est-ce que le raisonnement juridique classique peut apporter au philosophe ou à l’historien du droit ? Qu’est-ce que la philosophie ou l’histoire du droit naturel classique et même contemporain apportent à la justice actuelle et au juriste qui pratique, étudie et enseigne le droit positif ?Ce travail a été préparé notamment par deux cycles de conférences organisés à l’UCO Nantes ces deux dernières années (« Les figures du droit naturel en droit public contemporain »). Ces conférences visent à interroger le lien qui existe entre le droit et la justice, en envisageant de manière approfondie les sources matérielles du droit positif.

Perspectives

Ce projet vise finalement à réconcilier le droit et la justice (aussi bien distributive que corrective), trop souvent envisagés séparément l’un de l’autre. Les différents positivismes aboutissaient à cette dichotomie. Mais bien des questions actuelles montrent les limites de ces théories, qui ne sont pas à même de rendre compte de certaines solutions juridiques, ni même d’envisager une cohérence du droit et de la justice sous les influences inflationnistes et technologiques. Au contraire, la doctrine du droit naturel classique apporte une vive lumière et un éclairage heuristique sur bien des régimes juridiques, dans toutes les branches du droit (privé, public, mais aussi droit international et droit comparé, etc.). Le droit naturel classique et les raisonnements qu’il met en œuvre constituent autant un analyseur des évolutions et de la nature des problématiques posées par ces évolutions qu’une source de réflexion importante en matière éthique. Le droit naturel n’a dès lors pas pour vocation d’encadrer a posteriori des évolutions, mais invite à s’interroger, a priori, sur les fondements juridiques et éthiques de nombreuses évolutions actuelles ou à venir.